Dans le texte "Fonction et champ de la parole et du langage, p.321 des Ecrits, Lacan écrit ceci à propos de ce qu'il appelle "l'oeuvre du psychanalyste" qui relève d'une longue ascèse subjective:
" Qu'y renonce donc plutôt celui qui ne peut rejoindre à son horizon la subjectivité de son époque" et plus loin " "Qu'il connaisse bien la spire où son époque l'entraîne dans l'oeuvre continuée de Babel, et qu'il sache sa fonction d'interprète dans la discorde des langages".
J'en donne un bref commenataire.
D'abord l'exigence de Lacan et la précision de ce qu'il avance en 53 et qui nous parle encore aujourd'hui. Ensuite, rejoindre à son horizon la subjectivité de son époque: il me semble qu'il faut bien remarquer qu'il parle d'horizon et pas simplement de la subjectivité. Il disait ça quelques années parès la guerre et le début des 30 glorieuses. Nous devons donc nous demander où nous ont mené ces années fastes? En dehors des succès économiques, disons que le Mur de Berlin s'est écroulé et avec lui l'URSS, le Moyen Orient s'est embrasé aevc le surgissement de l'islam radical, et la pauvreté a fait un grand bond en avant. De ce fait l'horizon s'est un peu assombri, et voilà qu'en plus du néolibéralisme et des dégâts qu'il a entraînés, un satané virus a infesté la planète, nous contraignants si je puis dire à ne faire face "qu'au vide", tant après plus d'un an nous ne savons pas grand chose de ce virus. Durant ces cinquante années passées la subjectivité a changé, nul ne peut en douter, le problème est que ce qui se dégage c'est d'abord qu'il n'y a plus d'horizon: les rêves de paix mondiale ont volé en éclats, les rêves d'égalité et pire encore ceux de fraternité sont rangés au placard, quant à la liberté...passons, elle est à ce jour plutôt confinée. Totale déconfiture. On pourrait croire que la libération sexuelle a permis des progrès: voir les effets des réseaux sociaux et des sites de rencontres!
Il est donc urgent d'essayer de prendre la mesure de la spire dans laquelle nous sommes entraînés. Il semble bien que si avec Babel, nous risquions de verser dans la confusion des langues (et des sentiments), avec la marche en avant et quelque peu irrépressible du "globish", la langue anglaise massacrée comme langue universelle, des jours sombres se préparent. Evidemment la fin de la phrase laisse quelque (mince) espoir: que les psychanalystes ne perdent pas de vue leur fonction d'interprète dans la discorde des langages oui, mais surtout que les psychanalystes continuent de faire entendre ce qui vibre dans les langues, ce qui en fait le génie, les particularités. Résistons au Globish qui est le nom de la langue mondialisée.